Le Yoga

« Le yoga est plus célèbre que connu« , écrivait le préfacier de la Hatha-yoga-pradipika.

Le Yoga que nous pratiquons aujourd’hui en Occident nous vient d’une pratique ancienne de plusieurs milliers d’années, pratiquée alors en Inde par certains groupes d’individus que l’on pourraient appeler des « chercheurs spirituels ». Ce qu’il nous reste aujourd’hui dans notre culture occidentale pourrait se limiter simplement à des postures réalisées en dynamique ou en statique, qui permettent d’entretenir son corps et d’apprendre à se détendre. Or, le Yoga est bien plus que ça.

Pratiqué de façon continue, avec ardeur et détachement, le Yoga trace une voie qui nous ouvre à un état d’Être qui se trouve au-delà des polarités, au-delà des contraires. D’ailleurs le Hatha Yoga signifie sur le plan symbolique l’union de Ha et de Tha, c’est à dire du Soleil et de la Lune. Union de deux énergies aux qualité opposées mais complémentaires.

« Le Hatha-Yoga est un yoga du Souffle, qui prend appui sur le corps, pour s’ouvrir à l’état de méditation » Boris TATZKY


Les origines du Yoga

Le Yoga est d’abord une philosophie vieille de plus de 2000 ans, originaire de l’actuelle Inde du Nord. Après l’intense bouillonnement du Ier millénaire avant Jésus Christ, l’Inde retranscrit à l’écrit ses nombreuses recherches sur des sujets aussi complexes que la compréhension de l’origine du monde, du sens de l’existence, de la relation entre l’homme empirique et le Soi transcendant qui l’habite… La particularité de ses recherches réside dans le fait qu’elle se font sur le double plan théorique et sur celui de l’expérience intérieure.
Dans ce contexte, le Yoga faisait partie des 6 darshanas (philosophies ou voies de salut) : une méthode de libération de l’être dans sa globalité, selon une progression cohérente et d’attitudes nettement définis.
A l’origine, le Yoga est donc né d’un besoin d’évolution spirituelle et psychologique de l’Homme, qui déjà percevait les limites et les souffrances de l’existence, afin de s’en libérer. Sa transmission se faisait de maître à discipline dans l’intimité d’une vie quotidienne partagée, le disciple s’inspirant de l’attitude de son maître à l’égard du monde et pas seulement de son enseignement oral.

Au niveau étymologique, le mot « yoga » vient du sanscrit « jug » (prononcer « youdje »), qui signifie unir, joindre, atteler, mais aussi mettre au repos. La fonction du yoga est donc d’unir, de rassembler. Elle vise le recentrement de l’individu, l’établissement d’un équilibre en soi, indispensable pour progresser sur le chemin de la libération.

 

 

Des textes majeurs qui sous-tendent la philosophie du Yoga

Le mot yoga apparaît pour la première fois dans les Védas, des textes dit révélés par des rishis (vers -2500 AEC), qui constitue le fondement de toute la spiritualité indienne. D’abord vécu dans une tradition basée sur la transmission orale, ce n’est que plus tard que des écrits lui sont consacrés. Il faut retenir en particulier les trois textes suivants :

  • Les Yoga Sûtras de Pantãjali, traité fondateur de tous les yoga, qui daterait autour du IIe siècle avant notre ère, appelé par la suite le Râja Yoga (ou Yoga Royal) ;
  • La Bhagavad Gîta, « Le Chant du Bienheureux », environ 6 siècles avant notre ère ; texte majeur à la fois poétique, métaphysique et pratique, qui affirme l’unité de la vie, et invite l’homme à découvrir celle-ci à travers l’action juste, au cœur même du combat de l’existence ;
  • La Hatha Yoga Pradîpikâ (la petite lampe du Hatha-Yoga), arrive plus tardivement vers le XVe siècle après notre ère. Ce traité vient pour la première fois décrire de façon très concrète et précise les exercices de transformation, par la description détaillée de certaines postures, des exercices de respiration, de purification, ainsi qu’un travail sur le corps subtil (mudrâs, bandhas, kriyas…).

La beauté du yoga vient de cette circulation entre la connaissance des textes et la pratique, où comment la pratique éclaire les textes et inversement.

Répondre à un constat sur la condition humaine

Le yoga comme les autres philosophies de son époque, souhaite répondre et dépasser le constat suivant : l’homme n’est pas heureux. En témoignent les symptômes comme l’anxiété, la respiration courte, l’attachement à la souffrance, des désirs insatiables qui perdurent, la violence…
Le travail en yoga propose de modifier l’état d’esprit en cultivant la discrimination, le non attachement, et la non dualité. Car c’est bien la perception intérieure qui doit être modifiée pour pouvoir vivre une existence plus libre, plus heureuse.

« La désunion à l’union à la souffrance voilà ce qu’est le yoga ». Bhagavad-Gîtâ

Une voie de sagesse qui suppose un engagement

Une « stratégie », sâdhana, pour dépasser ce constat et sortir des états conditionnés dans lequel chaque individu se trouve, a été clairement établie dans le deuxième chapitre des Yoga Sûtras. Parmi cette stratégie, on trouve le « yoga à huit membres » ou ashtânga-yoga. Ces huit « membres » d’un tout, sont représentés au travers le dessin de l’arbre ci-dessous.
Il représente les axes à suivre pour celui qui souhaite s’engager dans la voie de Pantãnjali : il s’agit de l’observation de règles de vie éthiques vis-à-vis des autres (yamas), des attitudes vis-à-vis de soi (niyamas), la pratique de postures (âsanas), la régulation ou contrôle du souffle (parânâyâmas), le retrait des sens (pratyâhâra), l’état de concentration (dhâranâ), l’état de méditation (dhyâna), pour parvenir au samâdhi, l’expérience d’Unité.

A noter que les postures avaient une place limitée dans le premier corpus philosophique du yoga. La seule indication qui était précisée sur âsana (assise, posture) était axée sur la posture intérieure à adopter, et résumée avec ces deux mots : sthira sukham (fermeté et aisance).
C’est à partir du XVe siècle que la description de postures précises a été réunies dans un traité (la Hatha Yoga pradîpikâ). Puis au XXe siècle il y eut un nouvel essor en Inde avec un enrichissement concernant la pratique posturale, et aujourd’hui de nombreux types de yoga foisonnent un peu partout en Occident.

Préparer le corps et l’esprit pour vivre l’état de méditation

Par un travail sur la respiration, sur le corps, au travers d’exercices réalisés avec conscience et attention, à l’aide d’instructions précises données par un instructeur qualifié et compétent, le corps et l’esprit sont invités à « s’établir fermement dans un espace heureux » pour reprendre la traduction qu’avait donné le grand yogin Gérard Blitz pour définir le mot âsana (sthira sukham).

Ainsi préparé, le pratiquant peut alors vivre une assise en silence sans effort, demeurant au contact de ses sensations, disponible pour vivre dhyâna, cet état de méditation, ancré dans la pleine présence. Présence à ce qui est là, sans jugement. La présence même de Cela qui est toujours présent.

La méditation est partie intégrante du yoga et indiquée comme le 7e membres du yoga. Quelque soit les méthodes de méditation, les grands spirituels d’Orient ou d’Occident affirment que l’état de méditation ne s’acquiert pas, mais qu’il survient ; n’étant pas le résultat mécanique d’un exercice. La méditation est de l’ordre de l’expérience intime, unique, qui surgit comme un état de grâce, spontané, gratuit. Les sages insistent aussi sur la nécessité pour l’homme de construire sa capacité à accueillir cet état.


Ses bienfaits

Le constat fait par les philosophes indiens il y a 2000 ans reste d’une actualité vibrante au XXIe siècle.

Aujourd’hui de nombreux symptômes qui témoignent d’un déséquilibre entre le corps, le mental et l’esprit, sont très présents dans notre société. A l’instar des troubles du sommeil, des maux de dos à répétition, de troubles digestifs, d’anxiété, de problème de concentration, d’hyperactivité…
Suivre la voie du yoga peut aider à libérer peu à peu chaque individu de ses différents blocages tant au niveau physique, émotionnel, psychique, qu’énergétique.

  • Au niveau physique, le travail postural qui est proposé offre de merveilleux résultats grâce à l’étirement et le renforcement du corps, favorisant le redressement de la colonne vertébrale, une meilleure capacité respiratoire, un renforcement des muscles profonds, et également la souplesse articulaire qui se produit d’elle-même à l’aide du souffle ;
  • Au niveau émotionnel, le travail qui est fait sur le souffle, par des exercices de respiration et la réalisation en conscience des gestes, invite à diminuer les états de dispersion et d’hyper émotivité. Par la pratique, on parvient à cultiver l’habitude de l’arrêt. Celui qui permet ensuite de moins se laisser emporter par ses émotions ;
  • Sur le plan psychique, pratiqué dans la durée, le yoga en permettant au corps de se délier, invite l’individu à se relier à sa Nature Essentielle. Notre posture vis-à-vis du monde qui nous entoure peut s’en trouver modifiée. Moins de jugement, plus d’observation et de distance juste vis-à-vis des évènements de la vie, abandonner son vouloir propre. Vivant ainsi une plus grande qualité de présence, à soi-même, aux autres, et à tout ce qui nous entoure ;
  • Quant au plan énergétique enfin, du fait d’une pratique répétée sur la durée, un état d’équilibre pourra s’installer, ouvrant sur un espace intérieur de paix et de tranquillité.

Mais il n’y a rien de magique. Les bienfaits que peuvent apporter le yoga découlent d’une pratique qui doit être réalisée avec ardeur (tapas), tant sur le tapis, qu’en dehors d’un cours de yoga.


Pour aller plus loin
: « L’esprit du Yoga », Ysé Tardan-Masquelier