Aujourd’hui, le yoga c’est comme la cuisine. Nous en mangeons à toutes les sauces…
Certaines mêlent des arts du mouvements avec des postures de yoga (dance yoga, accro yoga…), d’autres conservent le mot yoga dans leur appellation mais en oubli les principes fondamentaux dont le respect de ses limites et l’écoute de ses sensations. Et d’autres encore sont pleines d’inventivité et de créativité, jusqu’à même à arriver à des choses totalement hilarantes voire absurdes ! En témoigne le « Goat yoga » aux États-Unis, où les participants se déplacent à la campagne pour pratiquer avec des petites biquettes qui leur montent dessus pendant leur séance de pratique posturale et méditative ?!… (Si, si ! vidéo).
Pire, le « yoga beer » pratiqué aux États-Unis, en Allemagne et dans certains pays d’Asie notamment, combine âsanas et un petit coup de bière entre deux respirations, et utilise la bouteille de 33cl en verre comme un accessoire indispensable pour les exercices…! Ici les séances sont souvent organisés dans des brasseries, et plus récemment dans les vignobles de Californie, de quoi conférer à nos amis fabricants de bières artisanales et de vins un bon moyen « tendance » de développer leur activité…
Heureusement, qu’il y a aussi des lignées respectueuses de cette pratique multimillénaire qui portent en elles des valeurs de recherche spirituelle.
Face à tous les préjugés, les idées reçues que l’on peut se faire autour du yoga et de la méditation, je me suis dis qu’un petit article, bien sûr non exhaustif, sur le sujet s’imposait.
Voici les points essentiels à retenir sur ce qu’est l’esprit du Yoga…
L’Inde, berceau du yoga et de la méditation.
Le Yoga, est une discipline qui vient de l’actuelle Inde du Nord qui vise, par une pratique régulière et assidue, à l’unification du corps et de l’esprit. Le souffle a une place centrale dans la pratique. Par la conscience qui est apportée sur le souffle qui va et qui vient, la pratique corporelle permet de développer une plus grande qualité de présence, à soi, aux autres, aux évènements que nous sommes amenés à vivre dans notre vie, et pas seulement sur notre tapis.
Le mot yoga vient de la racine « yuj » qui signifie en sanscrit « unir», joindre, relier. Il s’agit ici de recentrer nos énergies qui sont souvent dispersées happées par de multiples sollicitations extérieures, et pour lequel l’être humain se laissent facilement distraire (au sens de « divertere » de Pascal, qui exprime cette tendance de l’être humain d’esquiver, de se détourner d’une réalité déplaisante, du fait du malheur constitutif de son existence). Face à cette angoisse de la solitude, de l’inaction, du vide, face à sa condition d’être fragile, d’être mortel, l’être humain a tendance à exister hors de soi dans le fantasme d’une vie. Pour l’homme du divertissement au sens pascalien, il évolue en se construisant une représentation imaginaire de lui-même et du réel. Et aujourd’hui, les sources de sollicitations extérieures sont particulièrement nombreuses !
Le yoga est un des 6 darshanas (systèmes philosophiques de l’Inde du Ier millénaire avant notre ère), et constitue un ensemble de considérations métaphysiques sur la condition de l’être humain, et également de pratiques psychosomatiques visant le parfait équilibre mental. Il proposait de façon concrète et applicable dans la vie du quotidien les voies et moyens pour que cessent ses inclinaisons naturelles à l’agitation du mental, aux différentes forces de dispersion, qui si elles ne sont pas disciplinées génèrent le chaos intérieur.
« Ô Krsna, le mental est agité, turbulent, puissant et rebelle. Je crois qu’il est aussi difficile à contrôler que le vent ».
Bh Gîta Chant 6,34
Deux textes majeurs (mais pas que) constituent la base de cet enseignement : les Yoga Sûtras et la Bhagavad-Gîtâ. Comme le disent les commentateurs de la Gîta, une étude profonde de certains chapitres de ces textes constitue pour le chercheur spirituel une aide précieuse, susceptible de le guider dans sa pratique.
Par la compréhension de ces textes, on s’aperçoit que yoga et méditation ne s’opposent pas, comme on pourrait le penser aujourd’hui en Occident. Les Yoga Sûtras parlent de 8 membres à pratiquer comme un tout (voir l’arbre « ashtanga yoga« ), dont dharana, dhyana et samadhi, les trois degrés de la méditation font partie intégrante de ces 8 composantes. La Bhagavad-Gîtâ, dans son sixième chapitre parle du yoga de la méditation, en insistant sur l’importance de la méditation parmi toutes les disciplines de développement personnel. Ici le mot « yogî » peut se traduire par « l’adepte de la méditation ».
« Le yogî est tenu pour supérieur à l’ascète, et même aux érudits. Il est supérieur à l’homme d’action. Par conséquent, ô Arjuna, deviens un yogî ».
Bh Gîta Chant 6, 46.
Les Yoga Sûtras et la Gîta, deux textes majeurs, indispensables.
Les Yoga-Sûtra, traduit par le Traité du Yoga, est un recueil de 150 aphorismes répartit en 4 chapitres (pada), dont on estime qu’il serait écrit entre le Ier et le IIe siècle après notre ère, et attribué à Patanjali, alors médecin du corps, de l’esprit et de la parole, et également auteur du texte fondateur de l’Ayurvéda. Ils constituent le socle, les fondements, de toutes méthodes de yoga qui se sont développés par la suite.
Par l’énoncé des 8 fondamentaux du yoga (voir l’arbre de l’ashtanga yoga) qui sont à la fois des règles de vie éthiques vis-à-vis des autres (yama), de soi (nîyama), la pratique de postures (âsana), la compréhension du Souffle (prânayama), le retrait des sens (prâtyâra) et la pratique de la méditation (dharana, dhyana et samâdhi), la voie à suivre est celle qui vise une expérience non conditionnée, celle de la libération, ou Moksha en sanscrit.
La Bhagavad Gîta, texte sacré majeur de la spiritualité indienne, dans la droite ligne des Upanishad, apporte également un enseignement clair et concret pour appliquer ces concepts philosophiques dans notre quotidien.
Leur lecture n’est pas aisée pour un non initié. Une compréhension de la philosophie, du sens des mots en sanskrit, du contexte dans lequel ces textes ont été écrits sont indispensables pour pouvoir appréhender correctement ces textes essentiels. Mais cela vaut la peine d’y aller jeter un œil, en particulier les ouvrages qui font l’objet de commentaires aident à mieux entrer dans cet univers difficile à saisir pour un esprit occidental, dualiste.
Leur pertinence au regard des problématiques des hommes et des femmes que nous sommes en ce 21è siècle est tout à fait saisissante. Car au fond, notre condition n’a pas changé. Et comme le dit le traducteur de la Bhagavad-Gîtâ commenté par Swami Chinmayananda : « lorsque nous ouvrons un livre tel que la Bhagavad-Gîtâ, nous devons garder présent à l’esprit un fait à la fois simple et profond : notre bonheur dépend de notre compréhension de la vie et de notre sagesse ».